
Cabinet d'avocats experts en droit social à Paris
Le harcèlement au travail

Le droit social français protège les salariés contre toute forme de violence ou de pression morale et/ou sexuelle dans l’environnement professionnel. Le droit social français protège strictement les salariés contre toute forme de harcèlement, qu’il soit moral ou sexuel. L’employeur doit veiller à prévenir les risques, à réagir rapidement et efficacement en cas de signalement, et à garantir un environnement de travail respectueux de la dignité et de la santé de chacun. Les victimes disposent de nombreux recours (prud’homal, pénal, indemnitaire) pour faire valoir leurs droits et obtenir réparation.
Les règles relatives au harcèlement au travail se retrouvent dans plusieurs dispositions légales du Code du travail et du Code pénal, et a été précisé par la jurisprudence.
1. Définition et formes de harcèlement
1.1 Harcèlement moral
Selon l’article L. 1152-1 du Code du travail, « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »
Le harcèlement moral peut se manifester par :
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Des humiliations ou insultes réitérées,
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Une mise à l’écart injustifiée,
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Des critiques excessives ou injustifiées,
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Une surveillance tatillonne et inutile,
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L’imposition de tâches dévalorisantes ou inadaptées.
La répétition des faits et la dégradation des conditions de travail sont au cœur de la caractérisation du harcèlement moral, et l’intention de l’auteur n’est pas nécessaire pour le prouver. La jurisprudence rappelle que ces faits peuvent engager la responsabilité de l’employeur dès lors qu’ils affectent la santé ou la dignité du salarié (voir notamment Cour d’appel de Montpellier, 17 octobre 2012, n° 11/03594, ou Cour d’appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 16 novembre 2017, n° 16/02510).
1.2 Harcèlement sexuel
L’article L. 1153-1 du Code du travail définit le harcèlement sexuel comme : « Des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste répétés qui portent atteinte à la dignité d’une personne ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, ou encore un chantage sexuel, même non répété, dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle. »
Cela peut inclure :
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Des remarques, gestes ou contacts à connotation sexuelle,
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Des propositions ou pressions dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles,
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Un chantage professionnel fondé sur la sexualité (promesses de promotion, menaces de licenciement, etc.).
2. Obligations de l’employeur
2.1 Obligation de prévention et de sécurité
L’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat concernant la santé physique et mentale de ses salariés. Les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail prévoient qu’il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir le harcèlement :
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Informer et sensibiliser les salariés sur le harcèlement,
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Former et désigner des référents en matière de lutte contre le harcèlement (notamment dans les entreprises de plus de 250 salariés, article L. 2314-1 du Code du travail),
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Inscrire dans le règlement intérieur les dispositions relatives au harcèlement,
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Mettre à jour le document unique d’évaluation des risques,
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Prendre toute mesure visant à faire cesser immédiatement les agissements constatés.
2.2 Responsabilité de l’employeur
Même si l’employeur n’est pas l’auteur direct des faits, sa responsabilité peut être engagée (voir par exemple Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914). Il lui incombe :
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De prévenir tout risque de harcèlement,
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De faire cesser les agissements dénoncés,
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D’indemniser la victime pour le préjudice subi si le harcèlement est avéré.
S’il démontre qu’il a pris toutes les mesures de prévention et qu’il a réagi efficacement dès la connaissance des faits, il peut éventuellement s’exonérer de sa responsabilité civile.
3. Recours et droits des victimes
Les salariés victimes de harcèlement disposent de plusieurs moyens d’action :
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Signaler les faits à l’employeur, au Comité Social et Économique (CSE), ou à un référent harcèlement,
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Saisir l’Inspection du travail si la situation perdure,
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Engager une action devant le conseil de prud’hommes pour obtenir réparation (dommages et intérêts, résiliation judiciaire du contrat aux torts de l’employeur, etc.),
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Déposer une plainte pénale en cas de harcèlement sexuel ou de faits graves de harcèlement moral.
Toute mesure de représailles (mutation, sanction disciplinaire ou licenciement) prise à l’encontre d’un salarié ayant dénoncé de bonne foi des faits de harcèlement est interdite par l’article L. 1152-2 du Code du travail.
4. Sanctions civiles et pénales
4.1 Sanctions civiles
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Dommages et intérêts : le salarié peut obtenir réparation pour le préjudice subi.
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Annulation d’une sanction ou d’un licenciement abusif : si celui-ci est fondé sur le harcèlement ou constitue des représailles.
4.2 Sanctions pénales
Le harcèlement moral et le harcèlement sexuel constituent des délits. Le Code pénal prévoit :
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Pour le harcèlement moral (article 222-33-2 du Code pénal) : jusqu’à 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende,
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Pour le harcèlement sexuel (article 222-33 du Code pénal) : jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende, pouvant être aggravés en cas d’abus d’autorité.
En outre, si un accident du travail est lié à un harcèlement moral, la responsabilité de l’employeur peut être retenue au titre de la faute inexcusable (voir Cour d’appel de Rouen, Ch. urgence – séc. sociale, 3 juin 2014, n° 13/01004).
5. Exemples de jurisprudence
Le cabinet FD Avocats qui accompagne régulièrement des clients salariés en demande dans le cadre de procédures de dénonciation de faits de harcèlement aussi bien moral que sexuel notamment devant le conseil de prud’hommes de Paris a pu relever différents jugements qui ont retenu le harcèlement :
Dans une affaire, Madame X a allégué être victime de harcèlement moral et sexuel après avoir refusé de porter de fausses accusations contre un collègue. Elle a soutenu que la société Y, au lieu de la protéger, l'a sanctionnée. Le Conseil de prud'hommes a été saisi pour annuler des sanctions disciplinaires et condamner l'employeur à des dommages et intérêts pour harcèlement moral, harcèlement sexuel et discrimination. La société Y a contesté ces allégations, mais le Conseil a examiné les faits présentés par Madame X (Conseil de prud'hommes de Paris, 10 novembre 2017, n° F15/03130).
Dans une autre affaire, le Conseil de prud'hommes a reconnu que Madame X avait subi des actes de harcèlement sexuel de la part de son responsable hiérarchique, qui ont continué même après sa promotion. Ces actes ont été jugés constitutifs de harcèlement moral distinct du harcèlement sexuel. Le Conseil a accordé des dommages et intérêts à Madame X pour les préjudices subis, soulignant la gravité et la persistance des faits de harcèlement tout au long de sa carrière (Conseil de prud'hommes de Paris, 17 mai 2018, n° 17/00875).
Enfin, une décision a mis en lumière l'obligation de l'employeur de prouver que les agissements reprochés ne sont pas constitutifs de harcèlement. Le Conseil a rappelé que le salarié doit établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement, et il incombe ensuite à l'employeur de démontrer que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (Conseil de prud'hommes de Paris, 22 juin 2023, n° 22/04801).
La cour d’appel de Paris mais également d’autres cours d’appels se sont elles aussi prononcé sur ce qui pouvait être constitutif de harcèlement :
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Cour d’appel de Paris, Pôle 6 chambre 5, 16 novembre 2017, n° 16/02510 : rappelle que la conjonction et la répétition de certains faits suffit à caractériser le harcèlement moral, même indépendamment de l’intention de l’auteur.
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Cour d’appel de Montpellier, 17 octobre 2012, n° 11/03594 : souligne que l’altération de la santé mentale du salarié peut, à elle seule, constituer un indice fort de harcèlement moral.
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Cass. soc., 21 juin 2006, n° 05-43.914 : l’employeur peut être condamné pour n’avoir pas pris toutes les mesures nécessaires pour faire cesser le harcèlement, engageant ainsi sa responsabilité.
Dans d’autres affaires, il a en revanche été établi l’absence de harcèlement. Cela a notamment été le cas dans un certain nombre de cas suivants :
La jurisprudence du Conseil de prud'hommes de Paris a, à plusieurs reprises, écarté la qualification de harcèlement moral dans différentes affaires. Voici quelques exemples :
Dans un jugement du 20 octobre 2023, le conseil de prud’hommes de Paris a relevé que "les affirmations de la partie en demande n'étant pas étayées de faits précis, qu'il en découle qu'il ne peut être soutenu que le licenciement aurait été notifié dans un contexte de dénonciation de harcèlement moral" (Conseil de prud'hommes de Paris, 20 octobre 2023, n° 21/08469).
Dans une autre décision du 5 juin 2015, le Conseil de prud’hommes de Paris a rejeté la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral, notant que "les nombreux courriels échangés sur plusieurs années par monsieur X en interne, avec son manager ou bien le service RH notamment, par la liberté de ton ou d'action qu'ils traduisent, n'indiquent pas que monsieur X se soit confronté à une situation de nature à se rattacher à un harcèlement moral, au sens de la loi" (Conseil de prud'hommes de Paris, 5 juin 2015, n° 12/09885).
Le 28 avril 2023, le conseil de prud’hommes de Paris a également écarté les allégations de harcèlement moral, considérant que "le dénigrement et le harcèlement ne sont pas étayés" par les éléments produits par la partie demanderesse (Conseil de prud'hommes de Paris, 28 avril 2023, n° F 21/08848).
Ces décisions illustrent que le conseil de prud'hommes de Paris exige des preuves concrètes et précises pour établir l'existence d'un harcèlement moral.
Il est dès lors vivement conseillé aux salariés confrontés à des faits de harcèlement de conserver des preuves (mails, témoignages, certificats médicaux), de se faire accompagner par un référent harcèlement ou un représentant du personnel, et le cas échéant de consulter un avocat ou des organismes spécialisés (Défenseur des droits, Inspection du travail, associations de lutte contre le harcèlement, etc.).
Les employeurs doivent également être extrêmement vigilants en veillant à prévenir les actes de harcèlement moral et à mettre en place les moyens de prévention en amont, et les démarches idoines lorsque de tels faits sont signalés ou reportés.
6. Rôle de l’avocat aux côtés de l’employeur en matière de harcèlement :
L'avocat en droit du travail peut jouer un rôle essentiel notamment en matière d'enquête interne pour faits de harcèlement en conseillant sur la structuration de l'enquête, en veillant au respect des droits des parties et en s'assurant que l'enquête est menée de manière conforme aux exigences légales et jurisprudentielles.
En matière d'enquête interne pour faits de harcèlement, le rôle de l'avocat est crucial pour garantir le respect des droits des parties impliquées et assurer la conformité de la procédure avec les obligations légales.
Selon l'article L1154-1 du Code du travail, lorsqu'un litige survient concernant des faits de harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que les agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement. L'avocat peut ainsi conseiller l'employeur sur la manière de structurer l'enquête pour recueillir des éléments de preuve objectifs et pertinents.
La jurisprudence a précisé que l'enquête interne n'est soumise à aucun formalisme strict. Par exemple, la Cour de cassation a jugé que l'enquête interne réalisée par l'employeur pour établir l'existence de faits de harcèlement n'est pas soumise à un formalisme particulier et ne peut être écartée pour déloyauté en raison de prétendus dysfonctionnements dans son déroulement (Cour de cassation, Chambre sociale, 29 juin 2022, 21-11.437). L'avocat peut donc jouer un rôle dans la conception de l'enquête pour s'assurer qu'elle respecte les principes de confidentialité, de neutralité et de loyauté, comme souligné par le Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de la Réunion (Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, 1re chambre, 26 mars 2024, n° 22/00900).
La jurisprudence a également établi que l'enquête interne n'a pas à respecter le principe du contradictoire, ce qui signifie que le salarié concerné par les accusations de harcèlement peut ne pas être informé préalablement de l'enquête et ne pas être entendu lors de celle-ci (Tribunal Judiciaire de Saint-Denis de la Réunion, 1re chambre, 26 mars 2024, n° 22/00900). L'avocat peut conseiller sur la manière de mener l'enquête tout en respectant ces principes.
Notre cabinet intervient régulièrement en demande comme en défense au soutien des intérêts de ses clients employeurs comme salariés dans l’ensemble de leurs problématiques en matière de harcèlement et inscrit sa pratique dans une démarche de prévention auprès de ses sociétés clientes.